Face au constat fait par l’Éducation Nationale et l’Enseignement Supérieur sur le faible niveau des lycéens en mathématiques et en sciences, bon nombre d’écoles d’ingénieurs mettent des choses en place pour y remédier. C’est notamment le cas de CESI, l’Efrei et l’ESIEA qui organisent des séminaires et ateliers afin de valider les fondamentaux en mathématiques en fonction de leurs programmes. En parallèle, certaines écoles de commerce se mobilisent également. C’est le cas de l’ESSCA. Décryptage.
Le plan de remédiation dans les matières scientifiques du CESI
À la rentrée 2021, l’école d’ingénieurs CESI présentait son programme de remédiation consacré aux sciences, intégrant notamment le TOMIC (TEST Of Maths for Integrated Curricula) basé sur une approche par compétence et par chapitre, et visant à accompagner les jeunes bacheliers et diplômés bac+2 à obtenir le niveau attendu et exigé en école d’ingénieurs dans les domaines scientifiques et mathématiques. Son plan de remédiation fait écho au constat fait par l’Éducation Nationale et l’Enseignement Supérieur sur le faible niveau des lycéens en mathématiques et en sciences. À cette occasion, nous avons rencontré Gilles Alexis Renaut, responsable des études et chargé de la remédiation scientifique au CESI et Philippe Rigaud, enseignant formateur sur le campus de Nanterre.
En quoi consiste le TOMIC ?
Le TOMIC est un test intégré qui consiste à “scanner” nos étudiants. Dans le cadre du processus de recrutement, un cahier de vacances de mathématiques est remis aux lycéens admissibles et doit être travaillé durant la période estivale. L’idée étant de les rassurer sur le contenu scientifique de la formation qu’ils vont suivre et qu’ils entretiennent leurs connaissances avant d’entrer en formation.
Dès le démarrage de la formation, les étudiants réalisent un test dit de diagnostic prenant la forme de questions thématiques, toutes liées à un chapitre et à une compétence. De cette manière, le professeur et l’élève peuvent clairement identifier les notions acquises et celles qui ne le sont pas encore. Un accompagnement personnalisé est alors mis en place tout au long de l’année par l’équipe de CESI afin de gommer les points faibles de nos étudiants.
Le TOMIC se poursuit le reste de l’année à travers différents ateliers et évaluations afin de constater la progression de nos élèves en mathématiques. Des sessions dites de remédiation sont mises en place et un enseignant est à la disposition de 15 étudiants en moyenne.
À quel moment avez-vous décidé de tirer la sonnette d’alarme ?
Si nous avons déjà constaté une régression du niveau de nos étudiants en mathématiques depuis plusieurs années. Un constat partagé par grand nombre d’écoles d’ingénieurs avec lesquelles nous
échangeons. La réforme du baccalauréat et la crise sanitaire ont été décisives. Seuls les lycéens ayant suivi l’option mathématiques expertes ont vu certaines notions du programme du cycle ingénieur, outils essentiels pour atteindre la diplomation.
Depuis avril 2021, nous travaillons sur un plan d’action mis en place dans les 15 campus CESI présents en France et proposant le cycle préparatoire intégré. En parallèle, nous veillons à respecter une certaine ouverture sociale pour accompagner chacun de nos étudiants tout au long de la formation. À titre d’exemple, un étudiant issu d’un baccalauréat STI2D n’aura pas suivi le même parcours qu’un étudiant titulaire d’un baccalauréat général. Le TOMIC vient répondre à ces différences de niveau.
Constatez-vous une nette amélioration ?
Entre les différents passages du TOMIC, nous constatons une importante progression de nos étudiants en mathématiques. Cela montre qu’ils ont compris la raison pour laquelle nous avons mis en place ce dispositif.
À cette question, deux étudiants témoignent. « Puisque j’avais suivi l’option mathématiques expertes au lycée, j’ai validé de nombreux chapitres au moment du diagnostic réalisé à la rentrée. Néanmoins, au deuxième passage du TOMIC, certains chapitres étaient à revoir. Le TOMIC blanc m’a permis d’identifier mes lacunes restantes, à savoir les nombres complexes et les arguments et modules. », explique Antonin Lamontagne, étudiant à CESI en première année cycle préparatoire d’ingénieurs.
Shirine Manuel de Condinguy évoque : « Mes résultats au test de diagnostic n’étaient pas excellents. J’ai donc suivi des séances de remédiation entre septembre et janvier. Une fois le deuxième passage du TOMIC fini, j’ai pu constater une nette évolution de mon niveau puisque j’ai validé les trois chapitres que je n’avais pas acquis au premier TOMIC. »
Comptez-vous faire évoluer le TOMIC pour la rentrée prochaine ?
Dès la rentrée 2022, nous serons sur une approche beaucoup plus systémique où tous nos centres disposeront d’enseignements scientifiques transverses. Ainsi, les mathématiques feront l’objet d’une finalité d’outils permettant à nos étudiants de résoudre des problèmes scientifiques concrets et complexes.
Dès la rentrée prochaine, du matériel pédagogique sera mis à disposition des étudiants pour les
accompagner davantage sur l’ensemble des campus de CESI. Également, nous prévoyons d’élargir ce plan de remédiation à la physique et l’informatique, deux spécialités étroitement liées aux mathématiques.
Les dispositifs mis en place par l’ESIEA
L’ESIEA Ingénieur.e.s d’une numérique utile met également des choses en plus pour redresser la barre en ce qui concerne le niveau en mathématiques de ces étudiants.
L’école d’ingénieurs organise des cours en mathématiques pour les lycéens
Depuis novembre 2021, l’école d’ingénieurs organise notamment des cours en mathématiques ouverts à tous les élèves de terminale. Son objectif ? Les rassurer sur les attendus en école d’ingénieurs et en intégrer une dans les meilleures conditions possibles.
« Face à l’hétérogénéité des profils que nous avons reçus avec ceux, entre ceux qui ont suivi l’option mathématiques expertes et ceux qui ont fait de la physique, nous avons décidé d’appliquer une remise à niveau à l’ensemble des participants. », nous explique Abdelrhani Daoudi, directeur du cycle ingénieur et responsable des cours de mise à niveau à l’ESIEA.
Des notions en mathématiques de première et de terminale sont abordées à travers des exercices et des tests réguliers (un par semaine), ce qui impose une certaine régularité dans le travail des élèves. Le contenu de ces cours de soutien en mathématiques s’appuie tout particulièrement sur les notions jugées fondamentales en physique et en mathématiques dans les programmes de l’ESIEA. À l’issue de cette remise à niveau d’un mois, les étudiants passent un examen global qui couvre l’ensemble des notions abordées.
En parallèle, et depuis deux ans, l’école d’ingénieurs met à la disposition de ses étudiants et des bacheliers des cours en ligne en mathématiques via la plateforme Jai20enmaths.
Zoom sur le projet PFH « Soutien Scolaire » des étudiants de l’ESIEA
À l’occasion de la présentation des projets de formation humaine (PFH) menés par les étudiants de l’ESIEA , certains d’entre eux se mobilisent également pour rehausser le niveau des lycéens en mathématiques. C’est le cas du groupe d’étudiants à l’initiative du projet « Soutien Scolaire ».
Ces sept étudiants en troisième année et en apprentissage à l’ESIEA ont réalisé leur PFH sur le soutien scolaire. « En constatant que le niveau en mathématiques des jeunes français régresse chaque année et les conséquences de la crise sanitaire sur les plus jeunes, nous avons fait le choix d’orienter ce projet sur le soutien scolaire. Au lycée, l’enseignement des matières scientifiques est très pyramidal. Notre objectif était donc de venir en aide aux élèves de seconde. »
Les étudiants de l’ESIEA se sont donc rapprochés du lycée Charlemagne à Paris afin de proposer des cours de soutien en mathématiques aux élèves de seconde, sur la base du volontariat. Un cours d’1h30 était organisé chaque semaine, le jeudi en fin de journée, et comptait une vingtaine de participants, en moyenne. Si une grande partie des cours était consacrée à la pratique, des fiches sur l’ensemble des chapitres en mathématiques et physique-chimie abordés en classe de seconde étaient soigneusement préparés par les étudiants de l’école d’ingénieurs. L’un des étudiants du groupe nous explique : « Lire de la théorie en mathématiques est un exercice très compliqué si la pratique ne suit pas derrière. Pour chaque notion abordée, nous leur proposons des exercices afin qu’ils comprennent leur utilité concrète. »
À travers ce projet de soutien scolaire, les étudiants de l’ESIEA se sont donné l’objectif d’améliorer le niveau en mathématiques de ces jeunes, mais pas que. Apporter un soutien psychologique était également l’une de leurs priorités : « De manière générale, nous constatons un manque de motivation chez les plus jeunes. À travers ce projet, nous leur partageons de réelles méthodes de travail ainsi qu’un soutien psychologiques. Il est naturel pour nous de les rassurer, car nous sommes passés par là, nous aussi. », explique Tom. Une discussion de groupe sur les réseaux sociaux a également été mise en place pour faciliter les échanges entre eux.
Forts de leur succès, ces cours de soutien ont eu un effet plus que bénéfique pour les élèves du lycée Charlemagne, si bien que l’établissement souhaite renouveler l’expérience, et ce, chaque année.
Stage en mathématiques, cahier de vacances… L’Efrei multiplie ses actions
De son côté, l’Efrei (anciennement École française d’électronique et d’informatique) multiplie ses actions pour renforcer le niveau en mathématiques de ses étudiants afin qu’ils acquièrent le niveau suffisant pour suivre les programmes dispensés à l’école.
Une liste de 80 exercices sous forme de QCM est envoyée aux futurs premières années de l’Efrei l’été, avant leur entrée en formation. Dès la rentrée, une interrogation leur est imposée et porte sur les notions abordées dans cette liste d’exercices. Et si l’évaluation ne compte pas pour le bulletin de note final, celle-ci vient définir les groupes de TD par niveau.
À la suite des résultats du premier semestre, un stage en mathématiques est organisé le samedi pour celles et ceux qui n’auraient pas validé l’unité d’enseignement, même après les rattrapages. Ces derniers vont suivre près de 30 heures de mathématiques, avant de passer un examen leur permettant de valider, ou non, l’unité d’enseignement du premier semestre.
En parallèle, des permanences sont mises à la disposition des étudiants à l’Efrei. Ouvertes à toutes et à tous, ces demi-journées permettent aux étudiants de poser toutes les questions qu’ils souhaitent aux enseignants. « L’une des principales difficultés auxquelles sont confrontés nos étudiants, est la méthodologie. Ces permanences permettent de revoir et améliorer leur organisation de travail afin d’être plus efficaces dans la pratique des mathématiques. », souligne Mouna Daadaa, responsable du département mathématiques de l’Efrei.
L’école d’ingénieurs ne s’arrête pas là et fournit à ses étudiants des vidéos explicatives sur des notions de mathématiques. Très souvent consulté avant les examens de fin d’année et accessible en illimité depuis leur espace personnel, ce dispositif permet d’aborder une notion complexe de manière ludique où un enseignant explique une notion à travers des exemples concrets. Tout l’ESIEA, l’Efrei met à la disposition de ses étudiants la plateforme Jai20enmaths. Mouna Daadaa explique : « Ce type de contenu pédagogique est très apprécié par nos étudiants qui acquièrent une certaine autonomie dans leur apprentissage. »
ESSCA : les écoles de commerce se mobilisent également
Les écoles d’ingénieurs ne sont pas les seules à agir contre la régression du niveau en mathématiques des étudiants dans le supérieur. Les écoles de commerce et de management se mobilisent également.
L’ESSCA n’en est pas à son coup d’essai et s’engage, depuis plusieurs années, dans l’accompagnement de ses étudiants dans le supérieur. Comment ? Grâce au CAP (Centre d’Accompagnement Pédagogique) qui permet aux étudiants qui le souhaitent ou qui sont en difficulté dès la 1ère année, de bénéficier de l’aide de leurs pairs. « Nous sommes convaincus que la remédiation se passe très bien lorsqu’elle est prise en charge pas des pairs. Lorsque nous avons vu arriver les nouveaux bacheliers, nous avons très vite anticipé l’idée que certains de nos nouveaux étudiants n’avaient pas fait de mathématiques en première ou en terminale, et que cela pouvait poser problème pour suivre nos programmes dans lesquels le niveau en mathématiques a été renforcé. », explique Bénédicte Bourcier, directrice adjointe du Programme Grande École à l’ESSCA pour le premier cycle.
Dans le cadre de la refonte de son Programme Grande École et suite de la réforme du baccalauréat, l’école de management a également mis en place un séminaire de pré-rentrée en mathématiques pour celles et ceux qui n’ont pas suivi l’option mathématiques expertes ou complémentaires en terminale. Ce dernier est supervisé par des enseignants aguerris. Ce dispositif vient offrir une remise à niveau des notions fondamentales des mathématiques et permet d’identifier les lacunes de chacun.
« En tant qu’école de commerce, notre vocation n’est pas directement de rehausser le niveau des étudiants en mathématiques. Néanmoins, nous endossons ce rôle pour pallier les lacunes enduites par la refonte du baccalauréat. Ce galop d’essai est une réussite pour nous puisqu’au premier semestre, seulement une vingtaine d’étudiants sur les 120 qui n’avaient pas fait de mathématiques en première et/ou terminale, ont repassé leur examen pour valider la matière. Nos étudiants se sont donc bien investis pour récupérer leur retard en mathématiques. », se réjouit Bénédicte Bourcier.