Katherine Johnson est une mathématicienne afro-américaine qui a réussi à s’imposer comme une référence de la NASA. Son destin a inspiré de nombreuses femmes à travers le monde. Si tu ne connais pas son incroyable parcours, Études Tech retrace sa vie et ses principaux accomplissements pour toi !
L’apprentissage des mathématiques dans un contexte compliqué
Katherine Coleman Goble Johnson naît le 26 août 1918 en Virginie-Occidentale, un État qui applique des lois ségrégationnistes à l’époque. Elle est née d’une mère enseignante et d’un père bûcheron. Ce dernier disposait d’une certaine facilité lorsqu’il fallait évaluer des objets. Il était, par exemple, capable de déterminer combien de planches de bois il pourrait produire juste en visualisant les troncs d’arbre. Il va transmettre cette faculté à sa fille. Rapidement, Katherine Coleman se met à compter tous les éléments qui l’entourent des marches jusqu’aux étoiles dans le ciel.
Elle développe également des facilités pour la grammaire et l’orthographe, ce qui fait d’elle, une fille très douée et cela va se voir à l’école. Elle saute plusieurs classes, mais se heurte à un problème. Son établissement, uniquement dédié aux enfants noirs, ne dispense plus d’enseignement après les classes de primaire. Les parents Coleman souhaitent, tout de même, que leurs enfants poursuivent un bon cursus scolaire. Par conséquent, ils envoient tous leurs enfants à l’autre bout de l’État pour qu’ils poursuivent leur scolarité. À l’âge de 14 ans, la Katherine obtient l’équivalent du baccalauréat et bénéficie d’une bourse d’études pour entrer à l’université de Virginie en 1933. L’obtention de cette bourse est le premier réel événement marquant de sa vie. En effet, elle est sélectionnée pour rejoindre l’université de Virginie-Occidentale et à l’époque recevoir une bourse d’études en étant une jeune femme noire était un événement rarissime.
Là-bas, elle épate ses professeurs avec ses résultats, à tel point que William Claytor (l’un des premiers Afro-américains à rendre une thèse en mathématiques) doit créer un cursus spécialement dédié à Katherine pour qu’elle puisse apprendre davantage. Il l’encourage d’ailleurs à poursuivre au maximum ses études supérieures.
Des possibilités de carrière limitées
Pour une femme noire dans les années 30, qui plus est aux États-Unis, les débouchés dans le secteur des mathématiques et plus largement le secteur scientifique ne sont pas nombreux. En réalité, il n’existe qu’une seule option : Enseigner la matière dans les établissements dédiés aux enfants noirs. Cependant, les conditions de travail ne sont pas optimales : Les professeurs sont souvent mal payés avec des horaires à ralonge. Malgré tout, après l’obtention de son diplôme en 1937, Katherine Coleman enseignera le français, les mathématiques et la musique dans un établissement dédié aux Afro-américains.
En 1939, elle se marie avec James Francis Goble et prend son nom pour devenir Katherine Goble. Trois enfants vont naître de cette union : Constance, Joylette et Katherine. En 1940, elle entreprend une action en justice pour pouvoir suivre des cours de licence à l’université de Virginie-Occidentale, située à MorganTown. Contrairement à son premier cursus universitaire, cet établissement est principalement réservé aux blancs. Elle obtient gain de cause et participe aux sessions d’été. Cependant, elle arrête ce cursus parce qu’elle tombe enceinte, ce qui l’oblige à prendre plus de temps pour s’occuper de sa famille.
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Le départ de Katherine Johnson pour la NACA
Avec trois enfants à charge et les maigres salaires offerts aux Afro-américains, les fins de mois du couple Goble sont souvent compliquées. Un proche de la famille leur confie que la section informatique du laboratoire de Langley affiliée au National Advisory Committee for Aeronautics (NACA), l’ancêtre de la NASA, recherche des calculatrices. Katherine Goble rejoint ce groupe. Elle devient ce qu’elle appelle un « ordinateur à jupe », c’est-à-dire qu’elle doit principalement effectuer des calculs pour la société aéronautique. Cette expérience est loin d’être la plus stimulante pour Katherine Johnson. Les calculateurs humains sont simplement considérés comme des personnes pouvant tout calculer, cela signifie qu’ils sont soumis à des règles strictes et précises et qu’ils n’ont pas le droit d’y déroger. Katherine Goble a pour mission, entre autres, de récolter les données issues des boites noires d’avions dans le cas des catastrophes aériennes et d’effectuer des calculs mathématiques précis à partir de cette base. Il s’agit d’un travail fastidieux et c’est pour cela qu’il était confié uniquement à des femmes noires diplômées de mathématiques. Cependant, les évolutions de carrière étaient, une nouvelle fois, peu nombreuses et elles étaient moins bien payées que leurs homologues masculins. Néanmoins, il s’agissait d’une profession offrant un salaire bien plus avantageux qu’un simple travail de professeur. En effet, son arrivée à la NACA lui a permis de tripler ses revenus.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la NASA avait des besoins colossaux de calculatrices et il n’était pas rare que les femmes soient mélangées indépendamment de leur couleur de peau.
À un moment, Katherine Goble saisit une opportunité et avec une de ses collègues, elles se retrouvent affectées à une équipe masculine, spécialisée dans la recherche aéronautique. Les compétences et aptitudes mathématiques de Katherine Goble lui permettent de se rendre indispensable au sein de cette unité. Cela lui offre la possibilité de mener des recherches et de voir ses résultats aboutir, ce qui était rarement le cas à l’époque. Elle finit par être pleinement affectée à la division de recherches en vol où elle effectue des calculs aéronautiques jusqu’en 1958.
Le décollage de Katherine Johnson
La reconversion de Katherine Johnson en ingénieure spatiale
En 1956, James Goble son époux, meurt, mais Katherine Goble se remarie trois ans plus tard avec James J. Johnson et prend son nom pour devenir Katherine Johnson. L’année 1957 marque le début de la course spatiale entre l’URSS et les États-Unis avec le lancement de Spoutnik de la part des Soviétiques. Cela contraint la NACA à abandonner l’aéronautique pour se concentrer pleinement sur l’aérospatiale. C’est à ce moment-là que naît la NASA. De fait, Katherine Johnson devient ingénieure spatiale et elle rejoint la Space Task Group, une unité constituée exclusivement d’hommes blancs. Cependant, les travaux qu’elle propose en géométrie analytique et en calcul de trajectoire des engins spatiaux se révèlent être les plus précis du groupe. Cela lui a permis d’accéder aux réunions de travail sur les différents projets sans que son genre ou sa couleur de peau ne soient pris en compte. En effet, elle ne se limitait pas à ces contraintes en vigueur à l’époque. Pour s’imposer, elle faisait remarquer que si le travail était fait correctement son genre et sa couleur de peau importait peu.
Les années 60 marquent l’arrivée de l’ordinateur dans le monde de l’aérospatiale. Les calculatrices humaines disparaissent donc. En effet, ce sont désormais les machines qui effectuent tous les calculs de trajectoire pour les vols spatiaux. Cependant, les astronautes restent méfiants vis-à-vis de la fiabilité des ordinateurs. C’est pourquoi John Glenn, l’astronaute choisi pour réaliser le premier vol spatial habité américain en 1962, demande à Katherine Johnson de vérifier tous les calculs effectués par l’ordinateur pour voir s’ils sont exacts. Elle trouve les mêmes résultats et cela marque le début de la collaboration entre les machines et Katherine Johnson au cours de laquelle elle vérifie tous les calculs proposés par les ordinateurs.
Elle réalise également tous les calculs liés aux fenêtres de lancement des fusées, c’est-à-dire ce qui va déterminer le moment le plus propice pour organiser le décollage d’un appareil.
Cependant, jusqu’en 1964, elle est écartée de la reconnaissance dans la réussite des projets spatiaux à cause des lois ségrégationnistes en vigueur en Virginie qui permettaient la discrimination raciale au sein des projets financés par le gouvernement.
Les missions Apollo
En 1969, Katherine Johnson aide à calculer la trajectoire de la fusée Apollo 11, la mission à destination de la Lune, qui est une grande réussite. C’est elle qui effectue les calculs du rendez-vous spatial entre les deux modules de la mission. À noter qu’un rendez-vous spatial est une rencontre entre un engin spatial et un objet céleste, dans ce cas-ci, ou entre deux modules habités. Cette opération est particulièrement complexe car la rencontre doit se faire à vitesse très réduite voire à l’arrêt total. Dans le cadre de la mission Apollo 11, deux des trois membres d’équipage devaient quitter le module principal afin de pouvoir atterrir sur le sol lunaire grâce à une navette spécialisée. Après leur départ de la lune, cette navette retournait s’amarrer au vaisseau principal afin d’entammer le retour sur Terre des astronautes. C’est donc Katherine Johnson qui avait pour mission d’effectuer les différents calculs permettant de déterminer le moment le plus opportun à la rencontre des deux appareils.
À partir de là, elle reçoit régulièrement des récompenses de la part de la part de la NASA, mais aussi des doctorats honorifiques pour l’ensemble de son œuvre.
Katherine Johnson prend également part à la mission Apollo 13 qui sera un échec. En effet, seulement 56 heures après son décollage en avril 1970, un des réservoirs d’oxygène explose, ce qui rend impossible l’alunissage prévu. Katherine Johnson et son équipe travaillent alors d’arrache-pied pour calculer la meilleure trajectoire possible pour rapatrier les astronautes sur Terre. Si la mission Apollo 13 a été un échec, cet atterrissage d’urgence organisé par Katherine Johnson est quant à lui un grand succès et va participer un peu plus à sa renommée. Suite à cela, elle est affectée à diverses missions notamment des plans pour aller sur Mars.
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La fin de carrière et les récompenses de Katherine Johnson
En 1986, Katherine Johnson prend sa retraite et reçoit plusieurs distinctions pour son travail lorsqu’elle exerçait au sein de la NASA. En 2015, elle est décorée de la médaille présidentielle de la liberté de la part de Barack Obama. Depuis 2017, un bâtiment de recherche de Langley porte son nom. En 2019, elle reçoit la médaille d’or du Congrès américain. C’est également la première femme créditée comme autrice de travaux de recherches.
En 2016, Margot Lee Shetterly sort son livre « Les figures de l’ombre ». Il retrace l’histoire de trois Afro-américaines, dont Katherine Johnson. L’autrice dépeint leur vie et décrit toutes les difficultés qu’elles ont du surmonter pour avoir une carrière dans le monde scientifique et à la NASA. Le livre raconte comment ces trois femmes, toutes des calculatrices humaines, ont réussi à surmonter la discrimination et la ségrégation raciale présentes à ce moment-là dans le monde scientifique, pour pouvoir se faire une place dans le secteur. Le film a fait l’objet d’une adaptation au cinéma, sortie en 2016 et saluée par la critique. Le projet a même reçu une nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur film.
Katherine Johnson s’est éteinte en février 2020, à l’âge de 101 ans. L’histoire retient d’elle l’image d’une pionnière des avancées extraordinaire connues par la NASA, dans les années 60. Elle a joué un rôle déterminant dans la conquête spatiale grâce ses facultés de calcul et permis d’ouvrir la voie à une carrière scientifique pour de nombreuses femmes. Grâce à sa détermination, Katherine Johnson a montré qu’il était possible de faire évoluer les mentalités et les droits des femmes.
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