“Le no-code n’est pas l’avenir du code. En revanche, il est l’avenir de projets qui, à terme, n’auront plus besoin de code”. Milan Boisgard est un entrepreneur convaincu que le no-code doit s’apprendre maintenant pour répondre aux besoins croissants du marché. Le fondateur et CEO du bootcamp Uncode School a répondu à nos questions sur la manière dont il bouscule l’univers de la programmation et les métiers du code. Voici l’interview retranscrite par nos soins.
Comment le no-code bouleverse l’univers de la tech
Après avoir occupé un poste de product manager pendant un an à la sortie de sa formation en droit et en philo, créé plusieurs entreprises et enseigné les bases de l’informatique en école, Milan Boisgard vient de lancer un bootcamp entièrement consacré au no-code. Il revient pour Etudes Tech sur la place du no-code dans l’univers de la tech et les enjeux autour de son apprentissage.
Quelle est votre définition du “no-code” ?
C’est un concept très récent. L’histoire de l’informatique a toujours montré qu’il faut simplifier pour progresser techniquement. Sans cela, il est impossible de trouver les bonnes ressources pour développer des outils technologiques.
Le no-code regroupe les outils techniques qui permettent de créer des applications sans coder (autrement dit, le travail du développeur). Toutefois, j’insiste sur le fait qu’utiliser des outils no-code nécessite d’acquérir certaines compétences sur des concepts techniques. Par exemple, il est primordial de savoir ce que sont le front end et le back end et de respecter la structure et les concepts que mettent en place les développeurs dans les entreprises pour développer des outils no-code par la suite.
Pour simplifier, les outils no-code sont simplement une abstraction des outils de code utilisés aujourd’hui. Au lieu d’utiliser des langages de programmation classiques, le no-code va s’appuyer sur des langages de programmation visuels.
Le no-code est-il l’avenir du code ?
C’est un vrai sujet. Et la communauté n’est pas vraiment d’accord sur la réponse ! Selon moi et à court terme, le no-code n’est pas l’avenir du code en tant que tel. En revanche, on peut considérer qu’il est l’avenir de certains projets qui, à terme, n’auront plus besoin de code.
Les prémices de l’apprentissage du no-code dans l’enseignement supérieur
Pourquoi l’idée d’un bootcamp consacré au no-code ?
Aujourd’hui, beaucoup de professionnels utilisent les outils no-code sans pour autant connaître réellement ce concept. Il y a donc une réelle problématique de marché. J’ai souhaité lancé ce bootcamp car, à mon sens, l’utilisation des outils no-code n’est pas faite de manière optimale et avec les bonnes pratiques. Surtout que les entrepreneurs seront de plus en plus indépendants et libres dans la manière de s’approprier les outils techniques pour créer des produits.
On ne peut pas se former au no-code dans les écoles d’informatique ou d’ingénieurs ?
Les écoles traditionnelles n’enseignent pas le no-code. Certaines songent à intégrer cette notion en master 1 ou 2, mais elles ne disposent pas forcément des moyens techniques et des ressources nécessaires pour le faire rapidement. Une formation classique sur 3 ou 5 ans exclusivement consacrée à ce concept ne me paraît pas non plus pertinente.
Les bootcamps sont donc une bonne option pour se former au no-code ?
En France, nous ne sommes encore qu’une petite communauté à parler de no-code. Uncode School est la première formation dédiée au no-code en présentiel. Nos concurrents indirects sont plutôt des formations qui initient à des logiciels ou des outils en particulier.
Les outils no-code à connaître
Quels sont les outils no-code auxquels vous formez les participants à Uncode School ?
- Bubble : c’est un outil tout-en-un consacré à la création d’applications complexes qui gère à la fois le front end et le back end. Cependant, il demande une certaine prise en main et une bonne compréhension technique puisqu’il est entièrement dédié à la programmation visuelle ;
- Webflow : il permet de construire des sites internet de qualité avec une partie design très travaillée et sans programmer. On peut le comparer à un WordPress haut de gamme qui offre plus de liberté dans la manière de concevoir des sites web ;
- Integer Math : il offre la possibilité d’automatiser des tâches complexes à réaliser manuellement. En plus de gagner du temps, les entreprises qui utilisent cet outil no-code vont gagner en agilité et en process.
Pourquoi avoir choisi ces outils plutôt que d’autres ?
En moyenne, un outil no-code sort chaque jour. Il est forcément difficile de distinguer ceux qui deviendront pérennes et seront utilisés en entreprise. Pour déterminer la liste des outils techniques présentés dans le bootcamp Uncode School, je me suis appuyé sur les levées de fonds récentes : Bubble a levé 100 millions de dollars cet été, Webflow, 200 millions de dollars ce mois-ci et Integer Math s’est fait racheter pour 100 millions de dollars. Ces performances donnent une idée intéressante des outils qui seront le plus à même de tenir le camp dans les prochaines années.
Mais je n’ai pas opéré cette sélection uniquement en étudiant l’état du marché. Le mindset des développeurs à propos des outils est aussi un bon indicateur et la communauté des utilisateurs a confirmé mon choix.
Néanmoins, il n’est pas impossible que cette liste évolue. L’intérêt des bootcamps est d’avoir une certaine agilité sur le marché puisque ces outils évoluent sans cesse.
Le métier de product builder : le futur professionnel du no-code
Les développeurs web ne s’occupent pas de no-code ?
Ce n’est pas aux développeurs d’utiliser les outils no-code et pourtant, c’est bien ce qui se passe actuellement. Selon moi, ils doivent faire davantage de technique (mise en place d’API complexes, algorithmie, etc.). Et ce n’est pas non plus au product manager de s’en occuper. Un repositionnement des compétences est nécessaire et il conduit à l’émergence d’un nouveau métier que j’appelle product builder. Doté d’une vision avec une méthodologie produit, ce professionnel est capable de la traduire techniquement grâce aux outils no-code. Pour le moment, personne n’évoque ce phénomène de manière théorique, bien qu’il émerge de plus en plus.
En quoi le rôle du Product Builder diffère de celui du Product Manager?
Il faut tout d’abord recontextualiser le rôle d’un product manager. Sa mission n’est pas de produire concrètement une application. ll va travailler sur le développement de produit en respectant une méthodologie product (Discovery, UserResearch) et réaliser une roadmap pour mener à bien ces projets. Il collabore notamment avec le product designer qui s’occupe de la partie UX des produits (application, site web, etc.).
Le métier de product builder, lui, consiste à produire des applications en s’occupant des tâches techniques et visuelles grâce aux outils no-code. Par exemple, créer un tableau de bord récapitulatif pour bénéficier de reporting en temps réel. Il collabore notamment avec les développeurs en utilisant les données stockées en interne.
Les products builders sont-ils actuellement très demandés par les entreprises ?
D’après mes recherches, aucun pays n’a encore cette réflexion théorique sur le métier de product builder. Les Etats-Unis qui sont généralement en avance sur pas mal de choses par rapport à la France, n’ont pas encore cette réflexion théorique sur ce sujet. Et c’est pour cela que certaines offres d’emploi aux USA, comme en France, sont un peu bancales et pas assez précises.
Le bootcamp Uncode School ouvre sa première session en janvier 2022
Qui sont les formateurs d’Uncode School et sur quoi les étudiants travailleront-ils ?
J’enseigne moi-même quelques cours aux côtés de professionnels. Je fais également intervenir des products builders et des entrepreneurs inspirants qui utilisent des outils no-code.
La majeure partie du temps de formation est consacrée à des projets concrets. Je me suis notamment inspiré de cas d’usage que j’ai eus à traiter dans ma carrière professionnelle, mais également des expériences d’autres professionnels. En sortant de cette formation, chaque apprenti aura un portfolio complet et structuré. Un accompagnement est mis en place pour les préparer aux entretiens d’embauche.
Quel est le profil des étudiants sélectionnés ?
Une dizaine de personnes ont été choisies pour intégrer la première session qui débutera le 17 janvier 2022. On y trouve principalement des entrepreneurs, des personnes en reconversion professionnelle ou qui souhaitent se lancer en freelance. Certains d’entre eux sont également des professionnels en entreprise qui souhaitent apprendre les outils no-code pour ensuite les utiliser dans leur travail. Néanmoins, ce bootcamp s’adresse aussi aux étudiants en master 1 ou en master 2 qui souhaitent se perfectionner sur certains sujets et être plus opérationnels en entreprise.
J’attache également une grande importance à la parité femmes-hommes dans ce bootcamp. Aujourd’hui, ce n’est pas normal d’avoir autant d’hommes dans la tech et si peu de femmes. J’espère que celles-ci se reconnaîtront dans cette formation no-code dépourvue de ce côté geek qu’on reproche au monde tech et informatique.
Quelles sont les modalités d’admission pour intégrer le bootcamp no-code ?
Le recrutement ne se déroule pas comme dans les formations classiques. On évalue surtout la motivation des candidats. Celles et ceux qui ont déjà eu affaire au digital et qui arrivent avec un réel projet professionnel sont privilégiés. Un exercice technique simple sera proposé aux candidats pour qui ce n’est pas le cas. Avant que les admis(es) intègrent le bootcamp, un travail préparatoire est donné afin qu’ils puissent prendre le train en marche.
À combien s’élèvent les frais de formation ?
Les 8 semaines de formation coûtent au total 4 500€. Le bootcamp Uncode School est également éligible au financement par le CPF (Compte Professionnel de Formation).