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“Les filles ne se projettent pas assez vers les métiers de la science et de la tech”, Amel Kefif, directrice de l’association Elles Bougent

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A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Études Tech est partie à la rencontre d’Amel Kefif, directrice de l’association Elles Bougent. Cette ancienne cheffe de cabinet au Secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes est revenue sur la faible présence des filles et des femmes dans les études et les métiers du numérique et de la science. Toutefois, les mentalités évoluent si bien que la courbe s’inverse.

L’association Elles Bougent et sa mission

Pouvez-vous nous parler d’Elles Bougent ?
Née en 2005, Elles Bougent est une association créée à la demande de DRH de groupes industriels qui avaient besoin de féminiser leur secteur d’activités. Et ce qu’on a très vite constaté est le fait que si ces entreprises sont en manque de talents féminins, c’est parce qu’elles ne se projettent pas dans les métiers de la science et de la tech, voire certains secteurs d’activité entiers. 

Quelle est votre mission ? 
Les étudiantes d’aujourd’hui manquent de modèle identificatoire. L’association Elles Bougent vient combler ce manque par le biais de nos marraines, des femmes qui travaillent au sein des entreprises partenaires de l’association, mais aussi de marraines étudiantes dans l’enseignement supérieur scientifique et technique. Celles-ci vont venir témoigner auprès de collégiennes, lycéennes et étudiantes afin de déconstruire les stéréotypes des métiers technologiques. 

Manque de parité dans la science : un problème qui remonte au plus jeune âge 

Combien de femmes exercent un métier scientifique aujourd’hui ?
En 2021, 30% des professionnels de l’industrie sont des femmes. Et seulement la moitié d’entre elles sont cadres. On constate le même problème au lycée. Seulement 25% de filles suivent aujourd’hui plus de six heures de mathématiques hebdomadaires. Avant la réforme du baccalauréat, on en comptait 45%. Autrement dit, chaque année, plus de 70 000 filles ne continuent pas vers les spécialités de la science. 

Sur les 57% de femmes diplômées de l’enseignement supérieur, seulement 25% d’entre elles ont un diplôme dans les secteurs du numérique. 13% d’entre elles travaillent réellement dans les métiers du numérique.

La réforme du baccalauréat a-t-elle accentué cet écart ?
Nous sommes d’accord sur le fait que les choses n’évoluent pas assez vite. Et la réforme du baccalauréat (2019) y a fortement contribué. Avant sa mise en place, les mathématiques étaient intégrés au tronc commun, si bien que 85% des étudiantes continuaient à faire des mathématiques et de la science et se dirigeaient vers des études supérieures dans ces domaines. Aujourd’hui, nous en comptons plus que 25%. 

Il a donc fallu 25 ans à la France pour atteindre une quasi parité entre les filles et les garçons en classe de terminale scientifique (S), que cette réforme a complètement bouleversé. 

Quels autres éléments expliquent ce phénomène ? 
Au-delà de la réforme du baccalauréat, le problème remonte à la naissance avec les jouets encore trop genrés. D’un côté les garçons jouent avec des camions, des fusées, des épées, des légos, etc., tandis que les petites filles vont jouer avec des dînettes, des poupons, voire des chariots de nettoyage. 

Pour y remédier, Elles Bougent s’est engagé à la charte des jouets, en collaboration avec Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie. L’idée est d’obliger les fabricants et les distributeurs de jouets à dé-genrer et favoriser les jouets scientifiques pour les filles. Pour cela, de nombreux moyens doivent être mis en place :
– arrêter la taxe rose : les jouets pour fille coûtent plus chers que ceux pour garçons ;
– mixer les rayons (plus de rayons pour fille et pour garçon) ; 
– afficher des filles et des garçons sur les boîtes de jouets ;
– utiliser des couleurs neutres sur ces boîtes (plus de rose et de bleu) ; 
– remédier aux stéréotypes des filles et garçons dans les dessins animés, etc. 

Pourquoi avez-vous lancé le sondage “Elles bougent en science » ? 
Nous avons lancé ce sondage à l’occasion de la journée internationale des femmes et des filles de science (11 février). Au départ, nous souhaitions simplement poser la question à la communauté Elles Bougent, de ce signifie être une fille dans la science aujourd’hui. 

Beaucoup de nos interlocutrices collégiennes nous ont répondues qu’être une femme dans la science, c’est avant tout être une femme avec beaucoup de courage. Ce constat accentue fortement la difficulté de les sensibiliser davantage à se tourner vers les métiers de la science. Quant à nos interlocutrices adultes, il en est ressorti qu’une femme en science est une femme qui impose ses valeurs et qui fait bouger les choses. 

Métier de la tech et de la science : les filles de plus en plus sensibilisées

Constatez-vous une évolution face aux prises de conscience récentes de notre société ? 
Oui ! Il y de plus en plus d’associations comme la nôtre qui pose cette problématique et qui engage des entreprises à y remédier. Depuis novembre, Elles Bougent s’adresse aux enfants en école élémentaire pour les sensibiliser et déconstruire ces stéréotypes et davantage communiquer sur la mixité des métiers. 

Quelles actions sont mises en place pour y remédier ?
De plus en plus d’entreprises du numérique recrutent des femmes sur des postes clé à hautes responsabilités. Il y a quelques années, beaucoup de ces entreprises ne comptaient aucune femme parmi leurs salariés. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. 

Également, je suis heureuse d’entendre le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, vouloir intégrer de nouveau les mathématiques dans le tronc commun au lycée, voire ajouter des heures supplémentaires d’enseignement dans ces matières. 

Quel message auriez-vous à faire passer à celles qui lisent cet article ? 
Je leur dirai de ne pas se dire que les métiers du numérique et de la tech ne sont pas faits pour elles. Être un génie des mathématiques et de la science n’est pas une condition indispensable pour envisager une carrière dans ces filières. Il faut avant tout aimer cela, car c’est en aimant que l’on réussit. 

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