La France a profité de l’élan incroyable dans l’écosystème tech pour consolider sa position parmi les pays qui comptent le plus de licornes. Avec 18 entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars, les jeunes pousses font mieux que résister à la crise. Alors que les vieilles industries traversent une énième crise, les startups, en particulier dans le monde du digital, bénéficient de la confiance des investisseurs qui les ont financé à hauteur de 4,5 Mds € sur le semestre 2021 (vs. 5,4 Mds € pour toute l’année 2020). Aujourd’hui plus que jamais, ces startups réalisent des levées de fonds considérables.
Les écoles de commerce ont pris toute leur part dans cette spectaculaire évolution. En multipliant les programmes dédiés à l’entrepreneuriat et à la tech, les écoles de management ont en effet dopé les initiatives entrepreneuriales, le tout dans le contexte porteur d’une France devenue, dans le vocabulaire du gouvernement, une véritable startup nation.
En juin 2021, les startups françaises ont levé au total plus d’un milliard de dollars. Sur l’année 2020, l’écosystème français avait récolté 5,4 milliards d’euros de fonds levés par 620 jeunes pousses. Et ce chiffre vertigineux sera allègrement dépassé en 2021. Outre-Atlantique, des entreprises comme Uber atteignent presque les 100 milliards de capitalisation boursière, soit dix fois plus qu’un grand groupe industriel comme Renault.
Dans les écoles de commerce, l’entrepreneuriat a le vent en poupe
Depuis plusieurs années, les écoles de commerce ont accéléré sur les formations à l’entrepreneuriat. D’évidence, toutes les bases apprises en école de commerce seront utiles pour les futures créateurs de startup. La maîtrise des grands principes comptables, financiers, marketing ou stratégique est en effet indispensable pour monter son entreprise. Mais plus largement, les écoles de management ont également élargi leur offre de MS (Mastères Spécialisés) et de MSc (Masters of Science) destinés à l’entrepreneuriat.
Certaines, comme HEC Paris, proposent des formations communes avec des élèves issus d’écoles d’ingénieurs. C’est tout le sens du MSc X-HEC Entrepreneurs, crée en 2018. D’autres établissements se distinguent également en proposant toute une gamme de formations et d’accompagnements à l’entrepreneuriat. Elles figurent logiquement dans les classements des meilleures écoles de commerce en entrepreneuriat.
Cette offre nouvelle répond à une demande elle aussi croissante de la part des étudiants. En 2019, le nombre de créations d’entreprises a bondi de 16,7 %. Selon une enquête menée en 2015 auprès de 8500 diplômés des différents programmes d’HEC sur les dix promotions précédentes, un quart des diplômés d’HEC sont ou ont été entrepreneurs. Autrement dit, le vivier entrepreneurial existe. Les écoles de commerce ne sont là que pour cristalliser la demande et catalyser le développement des entreprises nouvellement créées.
Car précisément, il est souvent plus judicieux de créer son entreprises au cours de ses études en école de commerce. Comme expliqué dans cet article, entreprendre dans ses années d’études permet de limiter le coût d’opportunité au moment de rentrer sur la marché de l’emploi tout en bénéficiant des nombreuses ressources fournies par les écoles. Certes, un étudiant n’a pas le réseau ni les compétences d’un ancien consultant ou d’un spécialiste ayant dix ans d’expérience dans un domaine. Mais c’est justement là que les écoles rentrent en jeu !
Notre méthodologie
C’est une tâche plus que complexe que d’évaluer la force et la compétence des écoles en matière d’entrepreneuriat. Faut-il prendre en compte le nombre d’entreprises créées ? Ou alors le nombre d’entreprises incubées ? Faut-il s’intéresser aux valorisations ou aux entreprises qui ont dépassé un certain niveau de chiffre d’affaires ? Les critères envisageables sont nombreux et ne décrivent tous qu’imparfaitement la réalité de ce qu’est une startup à succès.
De nôtre côté, nous avons décidé de jauger l’effort entrepreneurial des Grandes Écoles de commerce à l’aune d’un critère financier : les levées de fonds réalisées. Ce critère peut lui aussi sembler arbitraire, puisque la création de valeur d’une entreprise ne dépend pas exclusivement de l’argent qu’elle parvient à récolter. Nombreuses sont les entreprises qui ont levé des sommes considérables avant d’échouer dramatiquement. Pensons, entre autres, à la société de livraison américaine Webvan, qui a fait faillite en 2001, un an après avoir levé plusieurs centaines de millions de dollars. Idem pour la startup PayByTouch, qui malgré ses 340 millions levés, n’a jamais réussi à s’imposer dans le monde concurrentiel du paiement digital.
A l’inverse, d’autres entreprises ont connu d’indéniables réussite sans avoir levé de fonds auparavant. Le financement ne constitue donc pas la garantie du succès. Si tel était le cas, vous ne liriez pas cet article sur un média qui est né d’un investissement initial de deux petits euros.
Pour réaliser ce classement, nous avons donc compilé les levées de fonds réalisées par les alumni issus des écoles de la Conférence des Grandes Écoles. N’ont été prises en compte que les levées de fonds supérieures à un million de dollars. Il est possible que certains diplômés n’aient pas été liés à leurs écoles. Dans ce cas nous invitons les écoles en question à inciter fortement leurs étudiants à mettre à jours les données de leur cursus et de leurs entreprises sur Crunchbase, qui faire figure de référence en la matière.
Classement des startups fondées par des alumni d’écoles de commerce par levées de fonds
Avant de classer les écoles, nous pouvons commencer par classer les entreprises entre elles. Par rapport au classement 2020, on notera quelques grandes évolutions. C’est somme toute le signe que les levées de fonds vont de bon train ces derniers temps. Voici donc les 50 startups fondées par des étudiants en école de commerce qui ont levé le plus de fonds.
Au total, 874 entreprises créées par des alumni de grandes écoles de commerce ont levé plus d’un million de dollars. 54 de ces entreprises ont été créées par au moins deux alumni d’école de management.
Entreprises | Levées de fonds | Ecole | Ecole 2 | |
---|---|---|---|---|
1 | Lazada Group | $ 1 209 739 556 | HEC Paris | INSEAD |
2 | Jumia Group | $ 908 110 292 | HEC Paris | EDHEC |
3 | Carta | $ 627 800 000 | EDHEC BS | |
4 | PolicyBazaar | $ 621 600 000 | INSEAD | |
5 | PropertyGuru Group | $ 540 418 535 | INSEAD | |
6 | Deezer | $ 531 773 725 | ESSEC BS | |
7 | Epidemic Sound | $ 508 861 894 | INSEAD | |
8 | Armour Group | $ 500 000 000 | INSEAD | |
9 | Zopa | $ 492 260 909 | INSEAD | |
10 | Vestiaire Collective | $ 454 571 117 | NEOMA BS | |
11 | BlaBlaCar | $ 448 534 130 | INSEAD | |
12 | Setanta | $ 416 717 378 | Grenoble EM | |
13 | Wise | $ 396 371 338 | INSEAD | |
14 | Mirakl | $ 393 000 000 | HEC Paris | |
15 | dLocal | $ 357 000 000 | INSEAD | |
16 | ManoMano | $ 350 545 820 | EDHEC BS | |
17 | sennder | $ 340 000 000 | INSEAD | |
18 | Oda | $ 337 091 950 | INSEAD | |
19 | Apttus | $ 329 000 000 | INSEAD | |
20 | Rebel Foods | $ 328 687 478 | INSEAD | |
21 | Picnic | $ 328 393 762 | INSEAD | |
22 | ATAI Life Sciences | $ 322 100 000 | ESCP BS | |
23 | MongoDB | $ 311 000 000 | INSEAD | |
24 | Meero | $ 293 434 612 | emlyon bs | |
25 | Tipalti | $ 279 000 000 | INSEAD | |
26 | Gilt Groupe | $ 271 000 000 | INSEAD | |
27 | Doctolib | $ 266 655 052 | HEC Paris | ESSEC BS |
28 | Sunlight Financial | $ 260 000 000 | ESCP BS | |
29 | Evidation Health | $ 259 000 000 | HEC Paris | |
30 | Dafiti | $ 250 481 171 | INSEAD | |
31 | Aircall | $ 225 550 000 | HEC Paris | ESCP BS |
32 | Fotolia | $ 225 000 000 | HEC Paris | |
33 | Mode Media | $ 224 600 000 | INSEAD | |
34 | moksha8 Pharmaceuticals | $ 219 071 696 | INSEAD | |
35 | Taulia | $ 216 700 000 | INSEAD | |
36 | Colonies | $ 212 960 846 | ESSEC BS | |
37 | PayFit | $ 208 437 448 | ESCP BS | |
38 | Voodoo | $ 201 000 000 | Rennes SB | |
39 | Curve | $ 179 420 922 | INSEAD | |
40 | Tandem | $ 175 787 556 | INSEAD | |
41 | Sentient Technologies | $ 174 380 450 | ESCP BS | |
42 | Capitolis | $ 171 836 263 | INSEAD | |
43 | Pharvaris | $ 162 287 335 | INSEAD | |
44 | Manticore Games | $ 160 812 151 | EDHEC BS | |
45 | Behalf | $ 160 000 000 | INSEAD | |
46 | Lydia | $ 159 643 941 | ISG | |
47 | App Annie | $ 157 080 000 | INSEAD | |
48 | Care.com | $ 156 850 000 | INSEAD | |
49 | Ada Health | $ 156 836 419 | INSEAD | |
50 | Qonto | $ 151 542 811 | HEC Paris | INSEAD |
De ce premier classement, il faut déjà tirer plusieurs enseignements. Remarquons d’abord la domination incontestable de l’INSEAD sur les écoles concurrentes. Dans ce top 50, 30 entreprises sont en effet issues de l’INSEAD. Cependant, le trio de tête est réservée à des entreprises issues d’HEC Paris et de l’EDHEC BS.
Par rapport au classement 2020, plusieurs entreprises connaissent des évolutions remarquables. Absentes du top 30 il y a quelques mois, Doctolib (28ème), Vestiaire Collective (11ème) et Carta (4ème) se placent désormais parmi les premières entreprises de ce classement. A l’inverse, d’autres entreprises disparaissent de classement. D’autres changent simplement de nom : c’est le cas de Trebuchet Holdings, qui apparaît désormais sous le nom Armour Group.
Le classement 2021 des écoles par levées de fonds
Rang | Ecole | Montant levé | Fleuron | |
---|---|---|---|---|
1 | INSEAD | $ 15 439 998 370 | Lazada Group | 7,84% |
2 | HEC Paris | $ 7 014 583 250 | Lazada Group | 17,25% |
3 | ESCP BS | $ 2 737 602 009 | ATAI Life Sciences | 11,77% |
4 | EDHEC BS | $ 2 268 528 495 | Jumia Group | 40,03% |
5 | ESSEC BS | $ 2 164 809 166 | Deezer | 24,56% |
6 | NEOMA BS | $ 798 427 349 | Vestiaire Collective | 56,93% |
7 | emlyon bs | $ 625 831 531 | Meero | 46,89% |
8 | Grenoble EM | $ 625 475 480 | Setanta | 66,62% |
9 | ISG | $ 316 944 510 | Lydia | 50,37% |
10 | Rennes SB | $ 210 800 000 | Voodoo | 95,35% |
11 | KEDGE BS | $ 108 792 722 | Critizr | 18,67% |
12 | EM Strasbourg | $ 77 551 978 | October | 82,56% |
13 | ICN | $ 68 866 651 | Infoblox | 76,96% |
14 | IMT-BS | $ 57 554 056 | Streamezzo | 89,58% |
15 | Audencia | $ 57 472 479 | Inbenta | 40,59% |
16 | TBS | $ 55 481 284 | Kantox | 64,49% |
17 | ESSCA | $ 53 568 829 | PerfectStay | 32,76% |
18 | INSEEC | $ 52 017 113 | SpineGuard | 51,58% |
19 | IESEG | $ 49 805 530 | Agricool | 78,2% |
20 | IPAG | $ 41 927 585 | Shapr | 39,35% |
21 | SKEMA BS | $ 37 374 322 | Scalr | 20,07% |
22 | EMLV | $ 34 080 114 | Maze | 51,27% |
23 | BSB | $ 20 034 977 | SESAMm | 91,67% |
24 | ISC Paris | $ 19 304 280 | Genymobile | 50,25% |
25 | Montpellier BS | $ 18 490 468 | TVTY | 73,15% |
26 | ESCE | $ 18 177 174 | SimpliField | 85% |
27 | Excelia BS | $ 17 956 907 | Hivency | 40,5% |
28 | EDC | $ 12 999 725 | StarOfService | 89,86% |
29 | ESC Clermont | $ 6 107 579 | StickyADS.tv | 100% |
30 | ISTEC | $ 5 247 247 | Swapcard | 100% |
31 | EM Normandie | $ 3 332 428 | Cherche mon nid | 100% |
32 | ESDES | $ 1 342 370 | JobiJoba | 100% |
33 | ICD | $ 1 207 081 | Mon Super Voisin | 100% |
Analyse du classement 2021 des écoles par levées de fonds
Une forte polarisation
Les 874 entreprises recensées pour ce classement ont au total levé 29 616 965 995 dollars de financement, soit une moyenne de 33 886 689 dollars par entreprise. L’an passé, ce chiffre total s’élevait à 27 026 088 214 dollars, soit une hausse de 20% !
Force est de constater, à la lecture des données, que les levées de fonds réalisées sont extrêmement polarisées entre les écoles. Plus de la moitié constitue l’oeuvre d’entreprises créées par des anciens de l’INSEAD (soit 15 439 998 370 dollars). HEC Paris, bien que très loin derrière, devance largement les écoles suivantes, avec un total plus de trois fois supérieur à l’ESCP BS, troisième. Plus généralement, les Grandes Écoles les plus prestigieuses monopolisent les levées de fonds : les cinq premières (INSEAD HEC Paris ESCP BS EDHEC BS et ESSEC BS) cumulent 90% des sommes récoltées.
Le poids des fleurons
Si le classement SIGEM semble globalement respecté dans le haut du classement, remarquons toutefois que certaines écoles réputées plus modestes connaissent de belles réussites. C’est notamment le cas de Rennes SB avec sa startup Voodoo, ou encore de l’EM Strasbourg avec October. Dans ces écoles, on notera notamment la force des fleurons, qui représentent jusqu’à 95% des fonds levés dans le cas de Rennes SB. D’autres écoles figurent quant à elles présentes dans ce classement uniquement grâce à une seule entreprise (ESC Clermont, ISTEC…).
À l’inverse, d’autres établissements brillent par la diversité de leurs startups. La startup avec le plus de financement pour KEDGE, SKEMA ou encore l’ESCP représente moins de 20% du financement total. Cela montre la diversité des entreprises créées par les alumni de ces écoles grâce aux programmes qu’elles proposent !
D’autres écoles enfin, se caractérisent par une très forte croissance par rapport à l’année dernière. C’est tout particulièrement vrai pour Excelia BS, anciennement La Rochelle BS. Le total des sommes récoltées par l’école rochelaise a augmenté de plus de 1000%. Cela a été rendu possible grâce au succès de Hivency, qui a levé plus de sept millions de dollars cette année.